traitement bourdesque
Voilà il y a des mots qui symbolisent des campagnes.
La bourde est de ceux-ci, proche de gourde, il vaut pour tous les égarements des candidats , et surtout l’une d’entre eux, Ségolène Royal. Lacan disait que l’inconscient est structuré comme le langage, autorisant des menues transformations sur consonnes, ce qui expliquerait cet usage d’un terme un peu désuet.
ce qui est intéressant est le traitement des soi-disant bourdes.
Prenons deux exemples.
D’abord les paroles de Royal sur le Québec.
“La liberté et la souveraineté du Québec sont des valeurs qui nous sont communes”. Ceci est qualifié de gaffe, pourtant il s’agit d’un leitmotiv de la politique étrangère française, depuis De Gaulle clamant un “vive le Québec libre” autrement plus explicite.
Là où il y a surprise, c’est que ce discours pro-Québec a toujours été celui de … la droite !!
En 1995 lors d’une visite du PM du Québec Parizeau, préalable au référendum, voici les déclarations françaises :
A l’époque même émoi du côté canadien : « Un politicien expérimenté ne répond pas à des questions hypothétiques, surtout dans ce genre de situation », selon le premier ministre Jean Chrétien, à propos des propos de M. Chirac. En son temps Pomipdou et Giscard avaient émis des avis en ce sens et hier Sarkozy a rencontré le même André Boisclair, mais il n’a émis aucune déclaration publique. Toutefois la satisfaction affichée de Boisclair à l’issue de l’entrevue laisse penser à des propos similaires à ceux de la droite et de Royal. Peut-être ne souhaitait-il pas contrarier la curée à l’encontre de Royal ? Il y a une mauvaise foi incroyable de la part de l’UMP dans cette affaire, et bizarrement les citations proposées ici, extraits d’archives du monde de 1995, ne sont pas proposées à ma connaissance ailleurs, l’indignation prenant le pas sur la réflexion.
A l’inverse Mitterrand s’était toujours refusé à un commentaire à ce sujet, tout comme la gauche en général (Hollande a donc également un peu tort lorsqu’il défend la candidate en ancrant ses propos dans la tradition du PS).
Bref une “bourde” qui traduit plutôt une grossière mauvaise foi et manipulation de la part de la droite, car elle reste prise dans la tradition gaulliste, que Chirac ne renierait pas.
Autre cas : la bourde de Sarkozy au Mont St Michel qui prête à Mitterrand la fameuse pique de 1974 de VGE qui cloue directement le candidat socialiste. Personnellement je ne suis pas choqué, cela arrive à tout le monde de confondre, même des choses aussi connues. En revanche ce qui semble choquant est le camouflage de cette bourde, telle que l’expose Daniel Schneidermann dans Big Bang Blog.
En effet dans le Figaro cela donne ceci :
Ils se trompent de message. » « Je laisse aux autres le monopole du sectarisme », a-t-il lancé. Une allusion à la réplique de Valéry Giscard d’Estaing à François Mitterrand, en 1974 : « Vous n’avez pas le monopole du coeur. »
et sur le blog de campagne :
“Il y a quelques années, Valérie Giscard d’Estaing, dans une réplique superbe, avait dit: ‘Vous n’avez pas le monopole du coeur’. Moi, je laisserai le monopole du sectarisme à tous ceux qui veulent être sectaires. Moi, je ne veux pas l’être”.
Il y a clairement réécriture des propos…
Mais ne nous y attardons pas trop, ce sont des faits divers, sans importance, si je devais réagir dans le champ de la politique étrangère la bourde, qui me met hors de moi car elle rompt avec toute la tradition française, de droite comme de gauche (de ce point de vue les divisions partisanes sont en général plus faibles), concerne les propos tenus à Bush, que Sarkozy tente d’ailleurs aujourd’hui de faire oublier : il évoquait “l’arrogance française”, énoncait que “Plus jamais nous ne devons faire de nos désaccords une crise”; et une critique de la politique étrangère française : “Il n’est pas convenable de chercher à mettre ses alliés dans l’embarras ou de donner l’impression de se réjouir de leurs difficultés”. Or le soutien des Français à l’opposition à la guerre en Iraq avait été quasi-unanime.
Reste à savoir si l’affichage de conceptions politiques peut être qualifié de “bourde”. Une bourde est une erreur sans importance, qui ne devrait pas monopoliser le débat public. L’erreur de Sarkozy au Mt St Michel est une bourde, de même que la formulation des propos de Royal sur les prisons en Chine, car elle ne soutient bien sur pas la peine de mort en Chine. Ce qui ne l’est pas et demande explication est :
*côté Sarkozy son soutien trop marqué à une politique américaine défaillante, et à Israel sans esprit d’équilibre pour la Palestine et le Liban
* côté Royal son radicalisme dans le dossier iranien, plus radical encore que les Etats Unis, au mépris des conventions internationales et du traité de non-prolifération qui autorise le nucléaire civil
Là il y a matière à débat, pas dans des propos conventionnels sur le Québec.
Messieurs dames de la cellule de riposte de l’UMP, attaquez vous au fond !