le plan Marshall et la campagne virtuelle
Alors Sarkozy ne peut aller dans les quartiers chauds parait-il, car ses conseillers craignent des émeutes qui écorneraient l’image du rassembleur. Aussi comme palliatif a t il organisé un meeting avec des “jeunes”.
Et il a égrené les citations comme un dictionnaire des citations, passant de Guy Moquet à Luther King, de Rimbaud à Baudelaire. Comme une dissert :
Première partie : Les jeunes ne sont pas toujours heureux, Baudelaire l’a bien dit :
Cette envie jamais satisfaite peut expliquer que le bonheur serein n’est pas souvent l’affaire des jeunes. Baudelaire en a parlé mieux que quiconque.
« Ma jeunesse ne fut qu’un ténébreux orage
Traversé ça et là par de brillants soleils ! »
Deuxième partie : mais parfois quand même si les jeunes sont heureux, Rimbaud l’a bien dit :
La jeunesse c’est le moment de tous les vertiges et de toutes les ivresses. Un jour peut-être vous direz-vous comme Rimbaud :
« Nuit de juin ! Dix-sept ans ! – on se laisse griser.
La sève est du champagne et vous monte à la tête… »
Troisième partie : la jeunesse en fait c’est ce que l’on en fait :
Et je veux, si je deviens Président de la République, couper tous les liens qui vous entravent, et vous donner les moyens de cette liberté que j’appelle l’autonomie.
Vous avez de la chance d’être jeunes, parce que la jeunesse c’est la promesse des commencements, des soleils qui se lèvent sur les mondes endormis.
Bon en fait ce n’était pas mon propos mais la lecture du texte du discours aux jeunes est assez drôle.
Allez pour la route la séquence émotion moi aussi Nicolas Sarkozy je suis un grand sensible sous une carapace de dur à cuire, comme Guy Mollet :
Longtemps j’ai cru le contraire, j’ai cru que pour être fort il fallait donner à croire que l’on n’avait jamais eu de faiblesse, que l’on n’avait jamais eu aucune faille. Longtemps j’ai cru que j’étais fort par les protections que je mettais autour de moi, ou dans ma tête, pour empêcher quiconque de pénétrer jusqu’à mes failles, jusqu’à mes blessures intimes, jusqu’à mes cicatrices.
Je sais maintenant que ce sont ces failles, ces blessures, ces souffrances que j’ai surmontées qui font ma force.
La suite est disponible là.
Plus sérieusement donc, je m’inquiétais un peu sur la tournure de la campagne : quel que soit le candidat, le traitement est axé dans les medias sur les phrases, les tactiques, les alliances, les grandes envolées lyriques. Comme si c’était un jeu d’egos se combattant. Donc un exemple qui m’a frappé, je le prends chez Sarko car c’est énorme comme exemple de cécité médiatique. Dans ce fameux discours dont je suis allé rechercher le texte, il dit, et ca a été repris sur toutes les chaînes :
Si je suis élu je mettrai en œuvre un grand plan Marshall de la formation pour tous les jeunes de nos quartiers, pour qu’aucun ne soit laissé de côté, pour que chacun puisse tenter sa chance, pour que chacun ait un emploi.
Alors j’ai sursauté, je me suis dit, quand même, un plan Marshall, mais c’est énorme. Le plan Marshall c’est le plan réalisé par les Etats Unis pour relancer les économies européennes pour qu’elles puissent importer des produits américains et ainsi éviter une crise des débouchés pour l’industrie US. Le plan Marshall c’est 100 milliards de dollars actuels. Bon bien sur c’est une métaphore, mais cela veut quand même dire, toute proportion gardée, mettre le paquet au niveau financier avec de grands programmes. Donc j’écoute attentivement la suite, pour connaître la proposition.
Rien. Je me dis que les medias sont bien peu consciencieux, ne relayant pas les propositions du candidat. Je cherche le discours, voici la suite :
Si je suis élu je mettrai en œuvre un grand plan Marshall de la formation pour tous les jeunes de nos quartiers, pour qu’aucun ne soit laissé de côté, pour que chacun puisse tenter sa chance, pour que chacun ait un emploi.
La fraternité, c’est permettre à chaque jeune de conquérir l’autonomie financière qui lui permette de financer ses études, sa formation, de ne plus vivre chez ses parents, de vivre sa vie, de vivre avec qui il veut, d’aimer qui il veut, comme il veut.
La fraternité, c’est la solidarité avec les pays pauvres et l’engagement dans les grandes causes humanitaires, dans la lutte contre la faim, la misère, la maladie, dans le codéveloppement qu’il va bien falloir réussir si l’on ne veut pas que l’exode massif du Sud vers le Nord ne tourne au désastre.
La fraternité, c’est la fraternité à l’égard des personnes âgées, c’est la lutte contre la solitude, c’est l’effort fait pour accompagner la vieillesse, pour accueillir la dépendance.
La fraternité, c’est la solidarité entre les générations, entre les territoires, entre les peuples.
Rien, du blabla, du vent, des knaëpfele. Bon c’est un discours, on galvanise ses troupes, alors allons voir le vrai programme.
Alors le programme de Sarkozy je le retrouve jamais (help) mais j’ai le programme des législatives de l’UMP. Disons que ca doit etre pareil. Ya un volet jeunesse, ca tombe bien. Pas de plan Marshall. Un pass culture pour des réductions en Europe, des semestres à l’étranger (erasmus ?), une réforme des universités avec plus d’autonomie, la majorité préparée à 16 ans, un pret à taux zero pour les jeunes. Où est le plan Marshall ?
Conclusion :
1) Sarkozy promet dans un discours quelque chose qui n’apparaît pas dans son programme, sans préciser dans son discours ce qu’il entend par là.
2) Les medias reprennent cela sans aucune distance critique, sans demander à Sarkozy ce qu’il y met, et sans préciser qu’il n’y a aucune autre mention de cela.
3) Tout le monde est content, et a des rêves pleins la tête.
4) Je pense que le niveau médiocre atteint par une majorité de journalistes, qui ne sont que des porte micros, expliquent la difficulté des électeurs à distinguer entre les différents candidats.