Handke versus Céline
Je n’arrivais pas à avoir un avis dans cette fameuse déprogrammation de Handke par Marcel Bozonnet à la Comédie-Française.
D’un côté Handke va certes aux obsèques de Milosevic mais surtout semble remettre en cause l’idée d’un génocide par les Serbes. Bon là mon opinion repose sur une forme de confiance, celle en le TPI. Admettons le génocide serbe. Dans ce cas effectivement ses attitudes sont scandaleuses. A partir de là : doit-on séparer l’oeuvre de l’auteur ? L’exemple le plus fameux est celui de Jean-Ferdinand Céline, mort en 1961, écrivain révolutionnaire qu’on ne peut donc ignorer et que l’on ignore pas, malgré ses pamphlets antisémites (l’école des cadavres en 1938). Donc pour Handke ? Je ne savais pas, des grands mots de chaque côté. Censure, éthique, etc…
Et puis cette interview de Olivier Py dans Libé, où il dit :
On peut lire Brasillach et Céline aujourd’hui parce qu’ils sont morts. Non seulement Handke n’est pas mort, mais l’histoire est loin d’être close. Mladic n’est toujours pas arrêté.
Cette position me semble juste : cette histoire n’est pas finie, les prises de position politiques des uns et autres sont encore des souffles sur des braises fumantes, on ne peut renforcer la stature de celui qui prône ce que l’on combat, quand bien même on trouve son oeuvre géniale … Il ne s’agit pas d’une censure strictement mais d’une mise en parenthèses, pour laisser la prééminence à l’espace politique lorsqu’il reste susceptible d’avoir des répercussions. Il ne s’agit pas d’une censure à la façon d’un régime fasciste, car la qualité artistique n’est pas niée. Justement ce n’est pas l’oeuvre qui est visée, mais l’espace de visibilité et de publicité d’un homme qui en dehors de ses créations, lesquelles restent libres, a des actes politiques détachables de ses oeuvres. C’est le cas étrange alors d’une censure visant l’homme en tant que porteur d’actions et non l’oeuvre. Cela reste -t-il de la censure ? Ces phrases trouvent leurs limites dans le fait que je n’ai pas lu Peter Handke et ne sais pas si cette partition entre oeuvre et actes a un sens.
En exagérant on pourrait soutenir que la déprogrammation est peut-être une façon de laisser l’oeuvre demeurer telle sans risquer l’accusation de propagande.
Peter Handke pourra alors être programmé lorsque le TPI aura fini sa tâche et que les Serbes auront dans leur grande majorité tourné le dos à cette histoire ? Au moins le problème est reporté, même si il reste entier.