une certaine conception de la parole politique
Le discours sur les modalités de la parole politique remplace la parole politique elle-même. On en arrive à cette situation schizo où les politiques, au lieu de faire de la politique, disent comment la faire. Et du coup ils en font plus.
La caricature (pour bien comprendre) de cette tendance est le culotté François Copé. En effet, ces derniers temps, il passe son temps de parole à nous dire qu’il abandonne la langue de bois. A chaque fois que je l’entends parler, il répète comme une vieille rengaine son “j’ai abandonné la langue de bois”. Au-delà de ca rien. Mais ça suffit pour le voir parader partout, et notamment sur le sulfureux et iconoclaste plateau de canal + avec Denisot et ses dandys. Et quand il ne parle pas de sa défunte langue de bois, il ressucite les baby foot morts, replacés dans un bars de Saint Ouen (ca fait plus populo) le temps d’un match de baby à la télé devant les caméras et remis au placard le lendemain. Comme quand Thierry Breton met du biocarburant dans sa voiture au Jt et qu’ensuite les douanes siffonent ce qu’il reste dans la cuve car le gouvernement n’en a toujours pas autorisé la commercialisation (au grand dam des automobilistes qui souhaient acheter des biocarburants comme leur ministre). On a remplacé la langue de bois par le foutage de gueule généralisé, c’est plus efficace tant que les journalistes véhiculent servilement les discours sans faire leur boulot. Avant on disait rien (la langue de bois), maintenant on dit n’importe quoi, et on le montre avec sourire effronté à la télé.
Bref.
Je voulais en fait réagir à la vidéo angevine de Royal qui veut remettre les profs au travail. Alors je ne prends pas parti sur le contenu : effectivement le soutien scolaire est aujourd’hui privatisé et donc inégal dans son accès. Ce qui m’interpelle est la méthode Royal dans cette affaire.
Visiblement elle a une conviction politique : il faut démocratiser l’accès au soutien scolaire. C’est louable et j’adhère à cela. Cette conviction doit se concrétiser dans des réformes, des projets de loi, etc. Pourquoi effectivement ne pas redéfinir les missions des enseignants ?
Ce qui me chagrine alors est que ce débat n’a pas eu lieu. Car Royal a tenu des propos en off, elle a des convictions, mais elle les a dissimulés. Elle a préféré sortir des banalités sur l’école plutôt que d’évoquer ce problème. On a donc un discours “on”, vide de contenu, et un discours “off”, certes dérangeant mais permettant de poser des questions. Pourquoi alors se censure t’elle ? Cela rejoint l’idée de campagne de Royal : ne pas trop en dire, pour faire rêver. Et cette conception de la politique m’écoeure car elle prend les électeurs pour des consommateurs de publicité plus que pour des êtres raisonnables. Royal visiblement a des convictions et des idées, elles sont cachées de l’autre côté de la caméra. Et elle et ses supporters crient au scandale quand des images off sont diffusées. Mais personne ne l’a espionné dans son salon. Elle a tenu des propos à un meeting politique, donc sur la scène publique. A moins que désormais le seul espace public qui compte soit l’espace JTiseable.