la mort de Pinochet
Elle laisse perplexe. Pinochet est un dictateur : il a pris le pouvoir au Chili à la faveur d’un coup d’Etat renversant le président démocratiquement élu Salvador Allende le 11 septembre 1973, et aussitôt a commencé une féroce répression des communistes, membres du MIR, des syndicats et parti socialiste. Beaucoup ont fui le Chili, en se réfugiant dcans des ambassades, notamment l’ambassade de France. Il ya encore beaucoup d’exilés en France, même si depuis la fin de la dictature certains sont revenus au Chili.
Mais le retour à la démocratie au Chili a été assez étrange : pas de renversement, de guerre civile, d’assassinat du dictateur. Il y avait une résistance organisée, mais ce qui a provoqué la chute de Pinochet est sa défaite à un référendum pour modifier la constitution (au cours duquel Lagos l’ancien président s’en était pris vivement à Pinochet), en 1988.
Il a donc lui-même organisé son départ, se réservant titres honorifiques et impunités. Durant l’instauration de la dictature des étrangers ont également disparus : des espagnols et des français. Ce sont ces meurtres, infimes pourcentages des meurtres perpétrés contre les chiliens, qui vont ouvrir voie à un jugement. En Espagne d’abord, qui demande à l’Angleterre où il se faisait soigner l’extradition. Puis le Chili ouvrait également la voie à un proces, finalement annulé en raison de son état de santé. La France aujourd’hui s’apprete à juger des militaires par coutumace. Il y a donc une justice manquée. Cet échec a ses raisons.
D’abord au Chili il reste de nombreux partisans de Pinochet. Nous sommes unanimes à le condamner en France, au Chili beaucoup sont encore persuadés qu’il a délivré le Chili d’une menace communiste bien pire. Et les meurtres sont parfois acceptés à ce titre. Avant le coup se développait une atmosphère de guerre civile et de lutte des classes, bien alimentée par les Etats Unis voyant d’un mauvais oeil la socialisation de l’Amérique Latine. Au Chili une partie importante considérait donc la dictature comme un mal nécessaire. J’en ai rencontré. Qui niaient le rôle des Etats Unis, qui mettaient en avant le danger communiste pour excuser les meurtres. A l’inverse j’ai rencontré des Chiliens et Chiliennes sans père, des mères sans mari, et d’autres qui ont perdu un ami et pleurent chaque 11 septembre. Je crois qu’il faut voir cela pour comprendre cette spécificité chilienne d’un dictateur detesté qui a pu mourir dans un hopital militaire dans son pays entouré des siens. Il n’y a pas d’histoire partagée encore sur la dictature. Même si depuis les révélations des comptes secrets de Pinocher le mythe d’un homme intègre agissant pour son pays s’est partiellement effondré pour ses partisans.
Il n’y a pas eu de récinciliation nationale à la sud-africaine. Qui aurait pu lancer cet appel tant que vivait Pinochet ? Aujourd’hui la mort de Pinochet permet en partie cet appel, lancé par Bachelet.
Je regrette aussi qu’il n’ait jamais été jugé. De nombreuses familles avaient besoin de ce jugement. Mais cet échec d’une justice s’explique par les circonstances de la fin de la dictature, qui n’a pas entrainé chez ses partisans sa remise en cause. Et ensuite il y avait une volonté de ne pas mettre en danger la paix civile. Dans la reconstitution de l’histoire de la dictature, la France a à présent un rôle à jouer avec le procès des meurtiers des français disparus.