Les carottes, c\’est meilleur que le céleri
Oui, pourquoi ne pas imaginer une loi, ayant une “simple valeur énonciative” ou “déclarative” et pas du tout normative, inscrivant dans la législation la supériorité gustative des carottes sur le céleri. A quoi cela servirait ?
La même question peut être posée sur cette loi de février 2005 qui énonce le rôle positif de la colonisation française, rappelant les ombres et lumièrs formulées par Chevenement en son temps (manifestement lointain). Bon inutile de rappeler l’absurdité de cette déclaration, son non-sens historique. Des historiens l’ont fait : Nora, etc … rappelant que la politique n’a pas à décreter une version officielle de l’histoire, … Que des actions aient pû être bénéfiques au développement, certes, mais seulement en regardant cette action en soi, sans son contexte.
Le plus étonnant est que Chirac et De Villepin, avant même que la polémique enfle, étaient opposés à cette loi. Mais il y a une indéniable radicalisation des députés UMP (Grosdidier n’en est qu’une caricature) et en plus une part de stupidité : qu’apporte cette loi ? qui l’a demandé ? Quel est son sens politique ?
Après Sarko et ses épigones me font bien marrer : un pot pourri :
“Il n’y a pas d’histoire officielle et rien dans ce dispositif ne saurait porter atteinte à la liberté des historiens d’une part et des professeurs d’autre part en ce qui concerne l’enseignement de l’histoire dans les collèges et les lycées” COPE
Oui encore heureux qu’on puisse dire que la colonisation a été liée aux Antilles à l’esclavage, au Maghreb à la spoliation de terres, au motif que comme elles appartenaient à une communauté, elles n’appartenaient à personne, à une sous-catégorisation des individus, à une justice expéditive, à une dualisation de l’économie, à une exploitation des ressources, à une utilisation des hommes pour faire des guerres qui ne les concernaient pas, à la torture, etc. Mais Copé, à quoi sert donc cette loi alors ? Y a aussi une loi pour dire qui est le meilleur compositeur français ? Je ne comprends pas le rapprochement entre “valeur déclaratibve” et le terme de “loi”. Pourra t’on se servir de cette déclaration officielle pour assigner en justice un historien ? Qui me le garantit ?
Cherchons ailleurs le sens de cette loi, chez son instigateur, le député Vanneste, qui déclare dans une interview à la droite universitaire (UNI) :
L’enseignement de l’Histoire n’est pas neutre. Elle ne fait qu’interpréter les faits comme l’a montré Paul Ricœur dans Histoire et Vérité. Mais, cet article 4 qui a fait débat, n’est pas du tout l’apologie du colonialisme que les distraits, ou les malhonnêtes, ont dénoncé comme tel. Il est très équilibré puisqu’il précise que les manuels scolaires doivent reconnaître, en particulier, le rôle positif de la présence française Outre-Mer. En particulier ne signifie pas exclusivement ! Il est permis de parler des aspects négatifs de cette présence mais à condition de souligner aussi les aspects positifs. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui dans la plupart des ouvrages de collèges et de lycées où l’Histoire est présenté de manière partielle, voire partiale. Lionel Luca, député UMP et professeur d’Histoire, l’a démontré dans son intervention : il est des silences insultant pour notre Histoire. Aujourd’hui : pas un mot sur les harkis, sur la souffrance des rapatriés d’Algérie, sur le rôle des supplétifs et des tirailleurs sénégalais ou autres dans les combats en métropole, sur les camps en Indochine…
Ca commençait par une rare lucidité, son préparateur de fiches a des lectures de goût (on a le droit de chambrer nan ? surtout que Ricoeur, maintenant qu’il est mort, ne va pas critiquer cette instrumentalisation de sa pensée, la supériorité des chiens vivants sur les loups morts disait Sartre). Bon alors la même rengaine : l’idéologie gauchiste pourrit ce pays, blablabla. Bon OK utilisons alors son exemple : les Harkis. Ah oui quelle belle leçon du rôle positif de la france !! Bon je suis allé voir des Harkis justement, et lire les archives liées à leur installation, et parler avec eux et leurs enfants et les enfants de leurs enfants. Déjà comment devient-on harki ? Facile, on se trouve engagé par l’armée française, souvent de force, à combattre contre d’autres Algériens pour maintenir la présence française. Harki = traître hein en arabe. A l’Indépendance les Harkis doivent fuir; dommage qu’il n’y ait pas eu de loi d’amnistie, de réconciliation en 1962 mais ce n’est pas le propos. La France a parqué ces Harkis dans des villages isolés, dans de modestes cabanons, qui offrent 40m² pour des familles de 8 à 10 personnes, avec un militaire français chargé de veiller à ce que tout se passe bien, et une assistante sociale. Je décris ce que j’ai vu dans des villages concernés. La France verse une prime et des emplois sont offerts. Mais l’existence même des Harkis, comment ose t’on la porter au crédit de la France ? En parler comme d’un fait positif ? Si tant est qu’on veuille juger.
Ensuite le célèvre historien Lionel Luca démontre des choses : mais des historiens autrement plus crédibles par leur production scientifique démonte la pertinence de cet article. Je n’aime pas les arguments d’autorité. mais à partir du moment où Vanneste justifie sa loi par le discours de Luca, non cité, mais historien…
Et puis sa sollicitide pour les rapatriés et les autres victimes de la décolonisation serait intéressante à généraliser : pourquoi pas un article de loi énonçant les aspects également négatifs des Alliés dans la seconde guerre mondiale ? Comment parle t’on de Hiroshima, de Dresde ? Vous voulez du check and balance en histoire ?
Je dirais que comme d’habitude, la gauche, toujours prompte à donner des leçons de morale, a préféré le réflexe à la réflexion. Elle dénonce « l’apologie coloniale d’une droite nostalgique » alors que l’idée du groupe UMP était bien évidemment différente : souligner le rôle positif de notre pays en matière sanitaire et médicale notamment (éradication la malaria en Algérie, construction de centaines d’hôpitaux et de dispensaires, Instituts Pasteur…). Comme le disait récemment Alain Finkielkraut, comment voulez-vous faire aimer un pays que vous haïssez vous-même ? Les réactions que vous évoquez s’inscrivent dans un large mouvement de dénigrement de notre pays…
Les efforts en matière sanitaire nécessitaient ils la colonisation ? Il faut faire la différence entre des actions isolées de leur contexte qui peuvent apparaître bénéfiques et le sens général de ces actions.
Ensuite on note un beau glissement : on passe du “critiquer la présence française dans les colonies” à “haïr la France”. La colonisation est-elle consubstancielle à l’idée de France ?
Le politique n’a pas à dicter les programmes et le contenu des manuels. Mais, lorsque ces derniers présentent des visions partiales, toujours les mêmes d’ailleurs, il est du devoir de la Représentation Nationale d’intervenir et de consacrer une certaine forme d’honnêteté intellectuelle. L’école est celle de toute la République. Elle doit enseigner aussi la fierté d’être français !
Moi je suis fier d’être français, et certainement plus que M Vanneste, car j’ose regarder le passé de mon pays en face, et le critiquer. Il est bien craintif celui qui a besoin de s’idéaliser le passé pour être fier de ce qu’il est. Des arguments moraux puisque l’argumentaire de Vanneste est purement moral.
Allez le meilleur pour la fin :
dans le Figaro :
Foin des actes de repentance en tous sens et en tout genre, l’histoire n’appartient qu’à ceux qui l’ont faite ou subie. De Clovis à Napoléon, de Jeanne d’Arc à De Gaulle.”
Les personnages cités se passent de commentaire …
Abrogeons cette loi indigne et qu’on n’en parle plus.